ARTIAS

Trente ans au service de l’action sociale

08.09.2025
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L’Artias célèbre cette année ses 30 ans d’existence. Pour l’occasion, l’association a mandaté l’historienne Chiara Boraschi afin de retracer son histoire, qui prend ses racines au début du 20e siècle.

Le 15 mars 1995 se tenait l’Assemblée générale constitutive de l’Association romande et tessinoise des institutions d’action sociale (Artias). Cela fait donc trente ans qu’elle contribue au développement de l’action sociale latine, grâce à ses missions d’information, d’analyse prospective, de mise en réseau et d’innovation sociale. Afin de retracer les origines et le parcours de cette association, l’historienne Chiara Boraschi s’est plongée dans ses archives.   

Il n’est pas possible de relater l’histoire de l’Artias sans remonter aux origines de l’assistance et de l’État social suisse. Jusqu’au milieu du 20e siècle, les politiques sociales sont peu développées en Suisse. L’assistance publique est en règle générale une tâche des communes, qui disposent de ressources limitées. De nombreuses tâches d’assistance sont donc prises en charge par des acteurs privés (Églises, œuvres charitables, caisses de secours de coopératives ou syndicats). Si certains soulignent les causes structurelles de la pauvreté, d’autres insistent sur la notion de responsabilité individuelle et interprètent la pauvreté comme une conséquence de défaillances morales à corriger.

La Conférence des institutions d’assistance aux pauvres (ancêtre de la CSIAS) est fondée en 1905. Elle réunit des réformateurs sociaux qui veulent rationaliser et moderniser l’assistance. En Suisse romande, le Cartel romand d’hygiène sociale et morale naît en 1918 pour fédérer plusieurs œuvres privées proches du « relèvement moral » et nées dans le sillon du mouvement abolitionniste (de la prostitution). L’orientation du Cartel se modifie déjà dans les années 1920 et s’élargit au domaine de l’hygiène « sociale et morale », terme qui évoluera dans un sens psychosocial au cours des années 1950.

Développement de l’État social

L’État social suisse connaît une expansion importante dans la deuxième moitié du 20e siècle. L’introduction de l’AVS en 1948 marque le début de la mise en place d’un système d’assurances sociales couvrant plusieurs risques sociaux. L’assistance sociale devient « aide sociale » et de nouvelles méthodes de travail émergent. En 1963, la Conférence des institutions d’assistance aux pauvres édicte pour la première fois des normes d’aide sociale, dont les montants, qui doivent permettre la survie des bénéficiaires mais aussi leur participation à la vie sociale, sont régulièrement augmentés jusqu’en 2003.

Depuis 1960, le développement des assurances sociales ainsi que le plein-emploi et la hausse des salaires font diminuer le nombre de personnes ayant recours à l’assistance. Les services sociaux sont néanmoins confrontés à de nouvelles situations, plus complexes. De nouvelles problématiques apparaissent, telle que la toxicomanie. La plupart des cantons révisent leurs lois d’assistance et introduisent le concept d’« aide sociale individualisée ». Ceux que l’on appelait « assistés » deviennent des « clients » ou des « bénéficiaires ». Les prestations augmentent et la professionnalisation du travail social progresse.

Au fil des décennies et du développement de la sécurité sociale, le Cartel s’adapte et connaît plusieurs mutations. Il finit par céder la place, en 1980, à la Conférence romande des organismes d’action sociale (CORAS). Ses activités principales sont l’organisation des rencontres sociales romandes ainsi qu’un travail d’information et d’étude aboutissant à différentes publications, notamment la revue Social mais aussi les « fiches sociales » – héritage du Cartel et qui évolueront au fil du temps pour aboutir à l’actuel Guide social romand géré par l’Artias.

Au début des années 1990, face à des difficultés financières et aux nouveaux défis technologiques, un mouvement de réorganisation a lieu parmi les acteurs romands de l’action sociale. En 1995, la CORAS fusionne avec le Groupement romand des institutions d’assistance publique et privée (GRIAPP) pour donner naissance à l’Artias.

Crises et réformes

Dans les années 1990, le contexte socioéconomique helvétique se dégrade, avec la montée du chômage et le déficit des caisses publiques. La polarisation politique est particulièrement évidente dans le domaine de la politique sociale. D’un côté, les milieux patronaux et les partis bourgeois réclament un démantèlement de la sécurité sociale et une diminution des prestations. La rhétorique des « abus » dans la perception des prestations sociales se diffuse. De l’autre côté, la gauche, les syndicats et en partie le centre demande des réformes profondes et recherche de nouvelles sources de financement.

Dans ce contexte, les politiques d’activation qui mettent l’accent sur la responsabilité individuelle commencent à se répandre. Dans l’aide sociale, ce paradigme se concrétisera dans un premier temps par l’intégration des « mesures favorisant l’intégration sociale et l’insertion professionnelle » dans les normes CSIAS en 1998, puis dans la révision des normes de 2005, avec la baisse du forfait d’entretien et l’introduction de la franchise sur le revenu et du supplément d’intégration.

Du démarrage aux grands projets

Pour l’Artias, les années 1990-1995 peuvent être vues comme une phase de transition entre les anciennes organisations et la nouvelle actrice. Elles sont un moment de réflexion sur l’avenir, sur l’identité, les objectifs et les activités de l’association. Au seuil des années 2000, sous l’impulsion d’un noyau de membres déjà actifs et en collaboration avec la nouvelle secrétaire générale, l’association est relancée : mise à jour des outils de travail, clarification de l’identité de l’association et de ses objectifs. Les publications et manifestations de cette période s’intéressent aux grandes réformes fédérales du chômage et de l’AI et à leurs impacts sur l’action sociale, ainsi qu’à des problématiques qui deviendront des thèmes phares de l’Artias (pauvreté des enfants et des familles, surendettement, migration, etc.). Les années 2010 sont celles des grands projets. Du personnel spécialisé rejoint l’équipe (collaboratrices scientifiques, juristes) et à côté des publications et activités déjà existantes, de nouveaux projets d’envergure sont lancés (veille législative et juridique, projet « cohérence », projet « participation »).

L’Artias est donc l’héritière d’un passé, poursuivant l’organisation d’activités qui existent de longue date et répondent peut-être à un besoin constant du domaine de l’action sociale latine, dans un contexte fédéraliste et d’État social mixte, où le privé occupe une place non négligeable. Mais l’Artias est aussi orientée vers l’avenir, avec un accent mis sur la réflexion prospective et l’expérimentation, dans le cadre de ses projets, de nouvelles manières de faire.

Pour aller plus loin : brochure sur l’histoire de l’Artias, à paraître. Plus d’information sur www.artias.ch

Amanda Ioset
Secrétaire générale de l’Artias